- ÉLÉMENTS NATIFS
- ÉLÉMENTS NATIFSUn élément est dit «natif» lorsqu’il se trouve à l’état de corps simple, non combiné à d’autres éléments. Les gaz rares (hélium, néon, argon, krypton, xénon, radon), chimiquement inertes, n’entrent dans aucune combinaison et sont donc toujours à l’état natif. Dans la croûte terrestre, de nombreux éléments peuvent exister à l’état natif. Pour certains d’entre eux, cet état est la règle générale: c’est le cas de l’or et des métaux de la famille du platine. D’autres se trouvent fréquemment à l’état natif, bien qu’ils se combinent facilement avec d’autres éléments. Le carbone, par exemple, qui entre dans de très nombreuses combinaisons minérales ou organiques, cristallise à l’état natif sous forme de diamant et de graphite. L’argent et le cuivre natifs ne sont pas rares, bien qu’ils participent beaucoup plus fréquemment à la formation de minéraux sulfurés, oxydés, etc. Le soufre non combiné est également capable de former dans la nature des concentrations relativement importantes. Enfin, de nombreux métaux sont connus à l’état natif, mais de façon plus ou moins exceptionnelle (fer, mercure, antimoine, arsenic, bismuth).Les éléments natifs sont caractérisés par une grande stabilité chimique, qui s’explique en partie par leur structure atomique. Cette inertie chimique plus ou moins complète détermine certaines propriétés de ces éléments, dont la plus importante est leur inaltérabilité (or, platine, diamant, etc.), une des raisons de leur valeur économique élevée. Leur mode de gisement, souvent alluvionnaire ou résiduel, est également une conséquence de leur stabilité chimique.1. Données physico-chimiques généralesLes éléments qui existent fréquemment à l’état natif sont ceux qui montrent peu d’affinité pour les autres, le soufre et l’oxygène notamment. Dans le cas des éléments natifs, les liaisons entre atomes du même élément sont généralement plus fortes que celles qu’ils pourraient établir avec les atomes d’autres éléments. Ce sont toujours les combinaisons mettant en jeu les liaisons les plus fortes qui sont les plus stables; c’est pourquoi ces éléments restent le plus souvent à l’état natif, au lieu de cristalliser sous forme de sulfures, d’oxydes, etc. Afin de comprendre l’inertie chimique des éléments natifs, leur peu d’affinité pour les autres éléments, il faut tenir compte avant tout de leur structure atomique. On peut remarquer en première approximation que les gaz rares, dont l’inertie chimique est pratiquement totale, ont une couche électronique externe saturée. Cependant le degré de saturation de la couche externe n’est pas le seul facteur à considérer. Il faut faire intervenir les quatre nombres quantiques définissant chaque électron, et également des facteurs tels que le potentiel ionique, les rayons atomique et ionique. Par ailleurs, la cristallisation dans la croûte terrestre d’un élément, soit à l’état natif, soit combiné à tel ou tel autre élément, est en étroite relation avec les conditions physico-chimiques du milieu de formation (température, pression, composition chimique, pH, etc.).Quelques-unes des propriétés physiques des principaux minéraux natifs sont indiquées dans le tableau. Tous, sauf le graphite et le soufre, cristallisent dans le système cubique. La dureté des minéraux natifs est très variable, puisque le diamant est le plus dur des minéraux connus, alors que le graphite et l’or sont parmi les plus tendres. Les métaux natifs sont remarquables par leur densité très élevée. Cette propriété est mise à profit lors de leur exploitation, car elle permet de les séparer facilement des autres minéraux.2. GisementsOrLes gisements d’or peuvent être divisés en quatre groupes:– filons associés à des plutons granitiques;– concentrations détritiques;– gisements dans des terrains métamorphiques;– gisements dans des roches magmatiques.La genèse de ces deux derniers types de gisements est controversée.Gîtes filoniensLes filons aurifères sont en général plus ou moins étroitement associés à des plutons granitiques. Leur gangue est quartzeuse surtout. L’or natif est souvent très finement disséminé dans la gangue et dans des sulfures, entre autres la pyrite, le mispickel (arsénopyrite), la pyrrhotite, la stibine. Il est fréquent qu’il se concentre dans la partie superficielle des filons, par suite du lessivage des autres minéraux. Lorsqu’il n’est pas natif, l’or entre presque toujours dans la composition de tellurures. Il est souvent associé à l’argent à l’état natif (électrum), ou sous forme de tellurures.D’importants gisements filoniens sont situés au Zimbabwe, au Canada (Ontario, Colombie-Britannique) et dans l’ex-U.R.S.S. (Oural, Transbaïkalie). En France, il faut citer les mines du Châtelet (Creuse) et de Salsigne (Aude).Concentrations détritiquesPar suite de la désagrégation des roches ou de filons aurifères, l’or peut se trouver concentré sous forme de « pépites » dans des éluvions ou, plus souvent, dans des alluvions actuelles ou anciennes, consolidées ou non (gîtes de type placer ). L’or des placers est donc pour l’essentiel détritique, mais des études ont montré qu’une partie peut être néoformée. Grâce à sa très forte densité, l’or est extrait des sédiments par des procédés mécaniques, à l’aide d’un pan (batée) ou d’un sluice (couloir).L’importance économique des gîtes alluvionnaires, très prédominante autrefois, tend à diminuer. Les placers aurifères les plus importants se trouvent en Californie, et dans le bassin du Congo et de l’Oubangui. En France, de nombreuses rivières charrient des paillettes d’or, autrefois exploitées. Dans les Cévennes, par exemple, il s’est produit une double concentration alluvionnaire, d’abord dans des conglomérats houillers, puis dans les alluvions actuelles des rivières qui érodent les conglomérats aurifères (la Cèze, les Gardons, etc.).L’or dans des terrains métamorphiquesLe plus gros gisement mondial, celui du Witwatersrand (Afrique du Sud), appartient à ce type. L’or se localise, avec de nombreux autres minéraux, dans certains horizons de conglomérats précambriens faiblement métamorphisés. De nombreux arguments sont en faveur d’une ancienne concentration alluvionnaire, mais une autre hypothèse génétique fait appel à des solutions hydrothermales qui auraient introduit l’or bien après le dépôt des conglomérats.L’or dans des roches volcaniquesL’or natif est présent dans certains gisements sous forme d’amas ou de filons dans des roches magmatiques basiques et ultrabasiques (Australie, Canada, Boliden en Suède, le célèbre Mother Lode de Californie) ou calco-alcalines (Colorado, Pérou). La minéralisation est-elle génétiquement liée aux roches magmatiques encaissantes ou à des plutons granitiques proches ou cachés? Les opinions divergent selon les gisements dont il s’agit et selon les auteurs.PlatineLe platine existe presque toujours à l’état natif, mais non pur, car il forme des alliages, essentiellement avec d’autres métaux de la famille du platine (surtout l’iridium) et avec le fer.Le platine est parfois «camouflé» sous forme de très fines inclusions dans des cristaux de sulfures de fer ou de nickel. Les gîtes de platine économiquement importants sont liés à des roches magmatiques basiques et ultrabasiques, sous forme de cristaux isolés et de petites concentrations dans ces roches. On exploite soit directement les roches mères, soit les concentrations alluvionnaires qui en dérivent. Les principaux gisements mondiaux sont situés dans l’Oural (placers provenant de la désagrégation de roches ultrabasiques) et dans certains horizons des roches basiques du complexe du Bushveld (Afrique du Sud), avec de nombreux minéraux sulfurés de cuivre, de fer, de nickel, etc.CuivreContrairement à l’or et au platine, le cuivre se trouve habituellement à l’état combiné, notamment sous forme de sulfures. Les concentrations de cuivre natif ne sont pas rares, mais il est exceptionnel que leurs tonnages soient assez importants pour présenter un intérêt économique. En général, le cuivre natif se dépose vers la limite des zones d’oxydation et de cémentation. Sa formation peut résulter de l’oxydation de sulfures, ou de la réduction d’oxydes, sous l’action de solutions sulfatées. À titre d’exemples de processus de formation, on peut citer l’oxydation de la chalcocite (Cu2S):et la réduction de la cuprite (Cu2O):Les principaux gisements riches en cuivre natif se trouvent dans des roches magmatiques basiques, par exemple aux États-Unis (lac Supérieur) et en Italie (Monte Catini en Toscane), ou dans des formations gréseuses, surtout de type «grès rouges».DiamantLe carbone natif cristallise sous forme de diamant dans des roches magmatiques ultrabasiques particulières, les kimberlites , qui remplissent des cheminées volcaniques dans de vieux socles et se seraient formées à des profondeurs considérables. On extrait le diamant soit directement des kimberlites, soit de concentrations détritiques éluviales ou alluviales (placers fluviatiles, marins ou éoliens), provenant de la désagrégation de ces roches. Bien que la densité du diamant soit très inférieure à celle de l’or, on le sépare également des autres minéraux par des procédés mécaniques (jig ). Parmi les premiers pays producteurs de diamants se placent l’Australie, le Zaïre, le Botswana, l’ex-U.R.S.S., l’Afrique du Sud, où a été découvert le plus gros diamant connu, le Cullinan (3 106 carats).GraphiteAutre forme de carbone non combiné, le graphite provient de la transformation de matières organiques contenues dans des sédiments, notamment de couches de charbon, sous l’action d’un métamorphisme intense, régional ou au contact de roches magmatiques. La répartition du graphite dans les terrains métamorphiques est variable: en disséminations, en lits, en veinules. Il forme parfois des veines ou des amas de taille plus considérable, lorsque le carbone a subi des remobilisations plus importantes par des solutions hydrothermales ayant assimilé des matières organiques. Certains pensent que le carbone serait parfois originellement contenu dans des magmas, sans que ceux-ci aient assimilé des matières organiques, mais une telle origine n’est pas démontrée.D’importantes concentrations de graphite sont exploitées en Sibérie (remobilisation au contact de syénites néphéliniques), à Madagascar (disséminations dans des micaschistes), au Sri Lanka (veinules dans des gneiss), au Mexique (métamorphisme de couches de charbon), etc.SoufreDeux processus générateurs très différents, l’un volcanique, l’autre biochimique, peuvent aboutir au dépôt de soufre natif.Le soufre d’origine volcanique est déposé par les émanations fumerolliennes soit directement par sublimation, soit par oxydation au contact de l’air d’hydrogène sulfuré, et par des sources thermales. Ce sont les solfatares des régions volcaniques, tels l’Italie du Sud (Etna, Vésuve), l’Islande, le Japon, le parc de Yellowstone (Wyoming).Dans les terrains sédimentaires, principalement paléogènes et néogènes, le soufre natif se présente en lits. Il est habituellement associé à des évaporites (gypse, célestite) et à des carbonates. On explique sa formation par la réduction de sulfates (particulièrement le gypse), réaction dans laquelle les bactéries du soufre jouent un rôle important. Les gîtes de ce type ne sont pas rares dans le monde. Les plus gros tonnages sont produits par les États-Unis (Louisiane, Texas) et par l’ex-U.R.S.S.
Encyclopédie Universelle. 2012.